dimanche 18 avril 2010
Journée nationale de la Déportation et Inauguration de la Stèle Mémorial de Lambesc
La commémoration s'est déroulé en deux temps :
en premier
commémoration de la Journée Nationale de la Déportation
avec
* allocution de Jean-Michel Carretero 1er adjoint au Maire de lambesc
* lecture par Clara de l'école du Théâtre de Lambesc du Chant des Marais
* allocution de Daniel Darmon de l'Amicale d'Auschwitz Marseille Provence
* lecture par Tania Sourseva du "Testament d'Auschwitz" écrit par Denise Toros-Marter, ancienne Déportée à l'âge de 15 ans, présidente de l'Amicale d'Auschwitz
en second,
inauguration de la Stèle-Mémorial du camp d'internement de lambesc
avec
* allocution de Michel Vial, président national de Résister Aujourd'hui
* allocution de Jacques Bucki, maire de Lambesc, vice-président de la C.P.A.
* lecture par Richard Martin d'Exode, poème de Benjamin Fondane, mort en déportation
1er temps
Allocution de Jean-Michel Carretero 1er adjoint au maire de Lambesc
M. le Maire de LAMBESC , M. le Conseiller Général, mesdames et messieurs les adjoints et les conseillers municipaux, mesdames et messieurs les représentants de l’Association Républicaine des Anciens combattants (ARAC), de la Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie (FNACA), mesdames et messieurs les représentants de la Fédération Nationale des Déportés Internés Résistants et Patriotes et de l’Association des Déportés Internés Résistants et Patriotes, de l’Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance, de l’association nationale « Résister Aujourd’hui », les représentants des familles des martyrs de la résistance, les membres de l’ordre de la légion d’honneur, madame l’adjudant représentant la gendarmerie de Lambesc, mesdames et messieurs les représentant de la CIMADE, de la Ligue des Droits de l’Homme, d’Aix Solidarité, du Mouvement Contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples.
Nous sommes ici rassemblés, très exceptionnellement ce 18 avril et non le dernier dimanche de ce même mois comme le prévoit la loi du 14 avril 1954, pour honorer la mémoire, en tant que Peuple et en tant que Nation, de toutes celles et ceux qui furent victimes des déportations.
Nous sommes ici rassemblés, la conscience en éveil, pour que jamais ne sombre dans l’oubli les souffrances qu’infligea le régime criminel nazi et ses complices à des millions d’êtres humains, enfants, femmes et hommes, jugés coupables par leurs bourreaux « du crime d’être né, de refuser cette idéologie de mort ou de lui résister ».
Le camp de Dachau fut ouvert en Allemagne par les nazis, dès leur arrivée au pouvoir le 21 mars 1933. Les opposants politiques au régime y seront internés les premiers ainsi que tous ceux qui furent déclarés en dehors des normes du national-socialisme. Avec l’expansion du 3ème Reich en Europe, puis avec la seconde guerre mondiale, les camps de déportation vont se multiplier en Allemagne et dans les territoires occupés ou annexés : dont Mauthausen en Autriche, Auschwich en Pologne, Natzweiler Struthof en France.
On dénombrera une vingtaine de camps centraux dont certains de terrible mémoire : Birkenau, Buchenwald, Dachau, Ravensbrück à laquelle s’ajoutera un réseau de plus de 700 camps.
A partir de 1941 le système concentrationnaire du 3ème Reich prendra une toute autre dimension avec la mise en action de la « solution finale de la question juive ».
Ce que les « SS » produisirent d’assassinats de masse, de tortures, d’expériences médicales sadiques, de souffrances s’exerçant au quotidien par la faim, le froid, la vermine, les humiliations et les violences incessantes, l’épuisement par le travail, la conscience de sa propre déchéance ou de sa mort inéluctable, n’eut « plus rien de commun avec le monde des vivants ».
En France, 160 000 personnes furent déportés vers la « Nuit et le Brouillard ». Du début 42 à la fin de l’été 44 près de 86.000 résistants, otages, homosexuels et condamnés de droit commun furent déportés vers les camps de concentration. Dans le même temps 74.000 juifs furent déportés vers les camps d’extermination.
Le gouvernement français de Vichy fut le complice zélé de ces déportations massives. La rafle du Vel d’Hiv symbolise à jamais l’ignominie de l’Etat français de l’époque qui organisa l’antichambre des camps de la mort, allant même jusqu’à livrer les enfants.
On estime par ailleurs à 1,6 million, hors déportés raciaux, les déportés en camp de déportation et de travail. Un tiers d’entre eux ne revint jamais.
Mais le sort réservé aux juifs par les nazis est d’une autre nature : l’anéantissement sans rémission possible, l’extermination. Le « crime » commis par ces innocents selon leurs assassins n’é tait pas affaire de religion mais de « sang ». Dès la fin de 1941 ce génocide, la Shoa, qui relève pour les nazis de l’impératif de « la purification ethnique » dont près de 6 millions juifs furent les victimes, débuta dans les camps de Chelmno, Treblinka, Maidanek, Sobibor, Belzec et Birkenau édifiés en territoire polonais pour être « des fabriques à cadavres » comme les qualifia la journaliste et philosophe américaine Hanna Arendt.
Les tziganes subiront un sort de même nature génocidaire ; sans doute près de 300.000 d’entre eux périrent en déportation. La différence d’ampleur avec la Shoa tient au caractère obsessionnel de la judéophobie et de l’antisémitisme des nazis qui s’exportèrent bien au-delà des frontières du 3ème Reich à la fin des années 30 et qui, aujourd’hui encore demeure une gangrène endémique qu’il faut combattre sans cesse et sans concession.
Pour que l’histoire ne se répète pas, ne permettons jamais à quiconque de la réviser pour en atténuer la portée des réalités, de la vérité et des enseignements à en tirer pour un avenir d’humanité. Ne cessons jamais de méditer ni sur le fait que le nazisme est né dans un état démocratique et de haute culture ni sur les deux actes majeurs qui en marquèrent à jamais la fin et la sanction devant l’histoire.
L’un de ces actes fut la Charte fondatrice des Nation Unies, l’autre la définition par le tribunal militaire international de Nuremberg du crime contre l’humanité et du crime de génocide.
Démocrates, défenseurs des libertés et valeurs humanistes, portons toujours haut ce message pour que perdure à jamais la mémoire collective de ce crime, de tous les bourreaux qui le commirent et de toutes les victimes qui le subirent afin qu’après nous la jeunesse en perpétue le souvenir.
Vive la république, vive la France des Droits de l’Homme, vive l’Humanité et vive la PAIX.
Composé en 1934 par des détenus politiques allemands du camp de Börgermoor ce chant est devenu un hymne commémoratif des anciens déportés après la seconde guerre mondiale.
J’appelle Clara………
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Clara dit " Le chant des marais »
I
Loin dans l'infini s'étendent
De grands prés marécageux
Pas un seul oiseau ne chante
Sur les arbres secs et creux
Refrain
Oh! Terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher.
II
Dans ce camp morne et sauvage
Entouré d'un mur de fer
Il nous semble vivre en cage
Au milieu d'un grand désert.
III
Bruit des pas et bruit des armes
Sentinelles jours et nuits
Et du sang, des cris, des larmes
La mort pour celui qui fuit.
IV
Mais un jour dans notre vie
Le printemps refleurira
Liberté, Liberté chérie
Je dirai: Tu es à moi.
Dernier refrain
Oh! Terre enfin libre
Où nous pourrons revivre (bis)
Aimer - Aimer
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Allocution de Daniel Darmon Amicale d’Auschwitz Marseille Provence
La présidente de notre Association, Madame Denise TOROS MARTER a depuis hier 82 ans et, souffrante, regrette de ne pouvoir être des vôtres dans cette cérémonie. Elle m’a chargé de la représenter.
Denise avait 15 ans lorsqu'elle fut appréhendée, comme beaucoup d’israélites, avec son Père, sa Mère, sa Grand-Mère, et son frère aîné André. Seul son frère cadet René échappait à la police française, complice avant l'heure des nazis, et rejoignait avec ses cousins le maquis du Gard.
Denise suivait donc le triste itinéraire du siège de la Gestapo de Marseille, de la Prison des Baumettes, du camp de Drancy, et convoyée avec ses parents le 20 Mai 1944 dans les wagons à bestiaux, direction Auschwitz – Birkenau.
A l'arrivée, ses parents, devaient être sélectionnés pour la chambre à gaz et les fours crématoires, seuls Denise et André entraient dans le camp et en subissaient les affres jusqu'à la libération d'Auschwitz par les troupes soviétiques pour Denise, et d'Ebensee par les troupes américaines pour André.
Les trois frères et sœurs se retrouvaient enfin en Juillet 1945 à Marseille, lorsqu'ils purent enfin être rapatriés. Ils n'avaient hélas plus de parents..
Denise dès lors qu'elle retrouvait la santé, le travail et l’équilibre (elle avait eu les pieds gelés et avait subi l'amputation de 4 orteils), s'employa avec ses camarades de détresse à créer l'Amicale des Déportés d'Auschwitz afin de témoigner auprès des jeunes générations et les dévier de toutes tentations idéologiques pernicieuses.
Les années passent, les survivants disparaissent, mais les témoignages qu'ils ont prodigués inlassablement auront, nous l'espérons, formé des « Passeurs de Mémoire » qui continueront, afin que plus jamais ne renaissent de nouveaux Auschwitz.
Maintenant le texte qui va vous être lu par Tania Sourseva, est le testament d’Auschwitz qui a été écrit par Denise TOROS-MARTER et sert de conclusion aux témoignages que l’Amicale des Déportés d’Auschwitz, effectue dans les collèges et lycées à la demande des professeurs d’histoire et lettres.
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Lecture du "Testament d'Auschwitz" par Tania Sourseva
27 janvier 1945: Libération du Camp d’extermination d’Auschwitz Birkenau, j’y étais et j’avais 16 ans.
Pour les générations à venir, ceci est notre testament:
Nous les âmes errantes de nos 6 millions de martyrs, dont les cendres encore chaudes sont éparpillées dans les plaines lugubres de la Haute Silésie,
Nous les mères juives, séparées sauvagement de nos petits, dont ils n’ont pas eu seulement pitié,
Nous les vieillards, justes des saintes communautés, qui sommes morts dans les chambres à gaz en prononçant le nom de l’Eternel,
Nous les innocents, les petits Daniel ou Myriam, les petits Maurice ou Sarah, souriant vers l’avenir qui semblait s’offrir à notre émerveillement,
Nous les enfants, les frères et les soeurs de nos disparus, nous qui avons échappé miraculeusement à la tragédie de l’arrestation et de la déportation, mais qui n’avons pas connu la joie d’une adolescence entourée de nos parents chéris,
Nous les héroïques défenseurs des derniers remparts du Ghetto de Varsovie, qui avons pu choisir de mourir en combattant plutôt que d’être traités et exterminés comme des bêtes,
Et nous les derniers survivants de la Shoah, ultimes témoins de la barbarie nazie, qui avons touché le tréfonds de l’horreur, et dont les blessures se cicatrisent à peine,
Nous léguons notre mémoire meurtrie :
A nos jeunes héritiers de la Marche des Vivants et des Voyages de la Mémoire, ainsi qu’à leurs disciples.
Vous qui avez voulu refaire l’itinéraire sanglant qu’a suivi le peuple juif en pénétrant dans les camps d’extermination.
Nous vous léguons notre Mémoire, à charge pour vous de la transmettre de génération en génération, afin que nul n’oublie, afin que nul ne doute, afin que nul ne nie !
Nous vous léguons notre Mémoire que nous avons reçue nous-mêmes par serment de nos familles et de nos camarades assassinés sous nos yeux.
Puissent nos héritiers rappeler aux Hommes la folie exterminatrice d’une idéologie innommable contre un peuple qui n’aspirait qu’à la Paix !
Puissent-ils faire preuve de vigilance dans les années et siècles à venir, et ne pas en oublier pour autant la tolérance vis-à-vis des autres !
Puisse le Mémorial du Camp des Milles en Provence pour lequel nous nous sommes investis depuis des années,
Puisse la Stèle-Mémorial de Lambesc pour laquelle beaucoup se sont battus depuis des années
apporter aux jeunes gens qui les visiteront toute la dimension pédagogique recherchée pour faire barrage à la haine !
Puisse le flambeau de la Mémoire collective, que nous vous transmettons avant d’arriver au bout de notre voyage, vous protéger à tout jamais d’un nouvel AUSCHWITZ !
Denise TOROS-MARTER
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2ème temps
Allocution de Michel Vial , président national de «Résister Aujourd’hui»
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Mes Amis,
Il y a 70 ans jour pour jour, le 18 avril 1940, à l’aube, des dizaines, des centaines de silhouettes d’hommes portant des valises avançaient sur la route venant de la gare de Lambesc pour se rendre ici dans leur nouveau camp d’internement.
On les avait réveillé en pleine nuit au camp des Milles d’où on les transférait encadrés par une centaines de militaires français.
Ils s’appelaient Fritz, Otto, Guillaume, Salomon, Robert, Klaus, Georges ,Henri………..
Ils étaient agriculteurs, ouvriers, commerçants, enseignants, artistes…
Certains croyaient au ciel, d’autres n’y croyaient pas.
La plupart d’entre eux travaillaient, étaient intégrés à la vie économique française.
Le plus connu était Henry Gowa, peintre renommé, ami de Picasso.
Ils étaient 343 étrangers, allemands, autrichiens, tchèques, ayant fui la dictature hitlérienne dès 1933 pour se réfugier en France le « pays des Droits de l’Homme ».
Ils ont été transférés du camp des Milles fermé provisoirement vers Lambesc.
Lambesc n’a pas été un camp de transit vers les camps de déportation mais nous savons que 29 d’entre eux ont été déportés entre 1942 et 1944 à partir des camps des Milles et de Gurs.
« Gurs, une drôle de syllabe, comme un sanglot qui ne sort pas de la gorge. »
disait Louis Aragon
Pourquoi ces hommes ont été internés ?
Le 3 sept 1939, à la déclaration de guerre contre l’Allemagne nazie, le gouvernement Daladier décrète que les « ressortissants ennemis en guerre contre la France » doivent être internés sans chercher à comprendre s’ils étaient pro ou anti-nazis.
La France était en guerre contre Hitler, c’est vrai,
mais ceux qui ont été arrêtés par la police française puis internés en 1940 dans les dernières années de la Troisième République, sous le gouvernement de Paul Reynaud, bien avant Vichy, étaient pour la plupart des anti-nazis ( militants communistes, socialistes, juifs ) originaires d’Allemagne, d’Autriche ou de Tchéquie qu’ils avaient fui dès l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933
Par radio, affiches et voie de presse les hommes de 17 à 65 ans, "nationaux de l'empire allemand", étaient appelés à se présenter dans des centres de regroupement, s’ils ne le faisaient pas, souvent leurs voisins y pensaient pour eux.
Les hommes furent répartis dans des camps d’internement comme celui de la Tuilerie des Milles, les femmes étaient assignées à résidence à Aubagne puis à l’hôtel Terminus des Ports à Marseille.
La totalité de leurs biens furent confisqués par l’Etat.
Il est intolérable que l’on ait interné arbitrairement et dépouillé des hommes, des femmes et des enfants qui avaient fui les persécutions de la dictature hitlérienne alors que le pays des Droits de l’Homme aurait dû les protéger?
En 1994, apprenant l’existence, sur le sol français, de dizaines de camps d’internement comme celui de Lambesc, 1939 début 1940, nous avons jugé indispensable et nécessaire, pour le respect de la Mémoire collective, mais aussi pour que cela ne se reproduise plus, que ceux qui y ont été internés ne tombent dans l’oubli.
En 1995 notre association fidèle à ses actions pour perpétuer la mémoire a voulu que cette épisode de l’histoire lambescaine soit gravée dans la pierre pour les générations futures.
En 2009 notre proposition a été favorablement accueillie par la municipalité de Lambesc que je tiens ici à remercier en notre nom mais surtout au nom de ceux qui ont souffert ici en 1940 dans leur dignité d’homme.
Il y a un an, nous avons constitué un comité consultatif comprenant Robert Menchérini, historien, professeur d’université, Claire Lutrin, professeur d’histoire, Pierre Gazhanes, Président du Musée du Vieux Lambesc, Jean-Michel Carretero 1er adjoint et moi-même.
Claire Lutrin, après des recherches minutieuses, depuis 1997 auprès des archives départementales a publié un dossier important sur le camp de Lambesc.
Merci Claire pour ce travail dans lequel on peut lire :
« Je me suis fait le témoin muet de ces morceaux d’existence. J’ai lu ces lettres, ces noms, ces listes. Au milieu de ces vieux papiers que l’on sent pleins de larmes, de douleurs et de froideur administrative, j’ai trouvé des noms, ceux de quelques gardiens et de 343 détenus dont le passage au camp de Lambesc entre avril et juin 1940 est attesté. »
Et en conclusion elle écrit :
« Le crime n’est pas d’avoir accueilli le camp. Le crime serait d’en taire le souvenir, d’en dénier l’existence, il serait de condamner à une mort définitive ceux qui y ont été internés.
L’oubli est la pire des morts. A travers notre mémoire ils vivent encore… »
Oui comme disait Paul Eluard
« Si l’écho de leurs voix faiblit, nous périrons »
C’est les raisons et l’existence de ce camp d’internement que la mémoire collective ne doit oublier.
Notre ambition au travers de cette Stèle-Mémorial est de renforcer la vigilance et la responsabilité des citoyens face aux résurgences et aux menaces récurrentes du racisme, de l’antisémitisme et de l’intolérance sous toutes ses formes.
Aujourd’hui, 65 ans après la capitulation nazie, les crimes racistes, la xénophobie et les idées d’extrême-droite progressent dangereusement à travers l’Europe notamment en Italie, en France, en Belgique, aux Pays-Bas et récemment en Hongrie et en Autriche.
On sème impunément la haine.
On banalise les propos racistes.
On débaptise les rues au nom de Déportés ou Résistants
De la parole aux actes, le pas est vite franchi.
Il est intolérable et inquiétant que certains acceptent plus facilement aujourd’hui ce qu’ils affirment refuser du passé
Il est intolérable, aujourd’hui, que des hommes, des femmes et des enfants chassés de chez eux par la dictature, la misère, les injustices sociales ou les persécutions ethniques, religieuses, politiques demandent asile à la France et soient internés dans des camps de rétention et expulsés vers leurs pays d’origine sachant le danger qui les attend.
Si on peut se demander où était en 1940 notre devise « Liberté, Egalité, Fraternité » ?
On peut se demander aujourd’hui la valeur de cette devise pour certains et le sens qu’ils lui donnent?
Je me souviens d’une parole forte de Léopold Senghor :
« ô seigneur, éloigne de ma mémoire la France qui n’est pas la France, ce masque de petitesse et de haine sur le visage de la France »
En 1940 si les uns collaboraient ou laissaient faire, certains entraient en résistance, d’autres, des femmes, des hommes, anonymes, maîtres d’écoles, conseillers municipaux, ouvrirent leurs portes, offrirent un gîte et un peu de sécurité aux exilés. De simples individus, qui, sans discours, sans idéologie, hors du religieux et du social, considéraient qu’un humain était digne de la seule vertu d’être un homme, ……simplement.
Comme aujourd’hui à Calais et ailleurs, nous devons affirmer bien fort que la solidarité n’est pas un délit.
Nous n’oublierons jamais ce que des hommes ont fait subir à d’autres hommes.
Engageons-nous à expliquer et expliquer encore les mécanismes qui ont portés au pouvoir les systèmes totalitaires, les engrenages qui conduisent à l’horreur, les petites lâchetés, les petits compromis, les petites alliances qui font les grandes catastrophes.
Certains diront « c’était la loi »
ce qui est légal n’est pas forcément juste, ce qui est juste n’est pas forcément légal.
Rappelons-nous la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 qui affirmait déjà :
« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs »
C’est ce qu’on fait les Résistants français, notamment à Lambesc, contre l’Etat de Vichy et l’occupation nazie.
C’est ce qu’on fait les Résistants allemands en Allemagne contre Hitler
C’est ce qu’on fait les milliers de Résistants allemands en France, engagés aux côtés des Résistants français notamment en Lozère et dans les Cévennes.
C’est ce que nous ferons avec la force et la volonté de nous unir comme l'on fait nos aînés pour éradiquer les injustices, l'ignorance, les intolérances en perpétuant une Mémoire responsable.
Rêvons, comme Jean Ferrat, d’une France ouverte « au delà des frontières, aux peuples étrangers », d’un France accueillante, mélangée, fraternelle, solidaire.
Je terminerais par une citation de Vercors
« Quand la mémoire faiblit, quand elle commence, comme une fragile falaise rongée par la mer et le temps à s’effondrer par pans entiers dans les profondeurs de l’oubli, c’est le moment de rassembler ce qu’il en reste, ensuite il sera trop tard »
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Allocution de Jacques Bucki, Maire de Lambesc, vice-président de la C.P.A.
texte à venir
lecture par Richard Martin de "l’EXODE" de Benjamin Fondane
(Poème commencé en 1934 et fini en 1940)
C’est à vous que je parle, hommes des antipodes,
je parle d’homme à homme,
avec le peu en moi qui demeure de l’homme,
avec le peu de voix qui me reste au gosier,
mon sang est sur les routes, puisse-t-il, puisse-t-il
ne pas crier vengeance!
L’hallali est donné, les bêtes sont traquées,
laissez-moi vous parler avec ces mêmes mots
que nous eûmes en partage –
il reste peu d’intelligible!
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Un jour viendra, c’est sûr, de la soif apaisée,
nous serons au-delà du souvenir, la mort
aura parachevé les travaux de la haine,
je serai un bouquet d’orties sous vos pieds,
– alors, eh bien, sachez que j’avais un visage
comme vous. Une bouche qui priait, comme vous.
Quand une poussière entrait, ou bien un songe,
dans l’œil, cet œil pleurait un peu de sel. Et quand
une épine mauvaise égratignait ma peau,
il y coulait un sang aussi rouge que le vôtre!
Certes, tout comme vous j’étais cruel, j’avais soif
de tendresse, de puissance,
d’or, de plaisir et de douleur.
Tout comme vous j’étais méchant et angoissé
solide dans la paix, ivre dans la victoire,
et titubant, hagard, à l’heure de l’échec!
Oui, j’ai été un homme comme les autres hommes,
nourri de pain, de rêve, de désespoir. Eh oui,
j’ai aimé, j’ai pleuré, j’ai haï, j’ai souffert,
j’ai acheté des fleurs et je n’ai pas toujours
payé mon terme. Le dimanche j’allais à la campagne
pêcher, sous l’œil de Dieu, des poissons irréels,
je me baignais dans la rivière
qui chantait dans les joncs et je mangeais des frites
le soir. Après, après, je rentrais me coucher
fatigué, le cœur las et plein de solitude,
plein de pitié pour moi,
plein de pitié pour l’homme,
cherchant, cherchant en vain sur un ventre de femme
cette paix impossible que nous avions perdue
naguère, dans un grand verger ou fleurissait
au centre, l’arbre de la vie…
J’ai lu comme vous tous les journaux tous les bouquins,
et je n’ai rien compris au monde
et je n’ai rien compris à l’homme,
bien qu’il me soit souvent arrivé d’affirmer le contraire.
Et quand la mort, la mort est venue, peut-être
ai-je prétendu savoir ce qu’elle était mais vrai,
je puis vous le dire à cette heure,
elle est entrée toute en mes yeux étonnés,
étonnés de si peu comprendre –
avez-vous mieux compris que moi?
Et pourtant, non!
je n’étais pas un homme comme vous.
Vous n’êtes pas nés sur les routes,
personne n’a jeté à l’égout vos petits
comme des chats encore sans yeux,
vous n’avez pas erré de cité en cité
traqués par les polices,
vous n’avez pas connu les désastres à l’aube,
les wagons de bestiaux
et le sanglot amer de l’humiliation,
accusés d’un délit que vous n’avez pas fait,
d’un meurtre dont il manque encore le cadavre,
changeant de nom et de visage,
pour ne pas emporter un nom qu’on a hué
un visage qui avait servi à tout le monde
de crachoir!
Un jour viendra, sans doute, quand le poème lu
se trouvera devant vos yeux. Il ne demande
rien! Oubliez-le, oubliez-le! Ce n’est
qu’un cri, qu’on ne peut pas mettre dans un poème
parfait, avais-je donc le temps de le finir?
Mais quand vous foulerez ce bouquet d’orties
qui avait été moi, dans un autre siècle,
en une histoire qui vous sera périmée,
souvenez-vous seulement que j’étais innocent
et que, tout comme vous, mortels de ce jour-là,
j’avais eu, moi aussi, un visage marqué
par la colère, par la pitié et la joie,
un visage d’homme, tout simplement!
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